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Ce qui est particulier avec ces focales moyennes (en 24x36: 42 [la diagonale] + ou – 7 ) c’est qu’elles obligent à se concentrer sur le sujet. Pas de beaux effets de flou, pas d’angles spectaculaires. Des images banales qui n’ont en général aucun intérêt. Effacés la technique et l’art. Et le photographe aussi. On ne voit plus que le sujet, le contenu.
Et là, on pense aux images de Gisèle Freund, de Cartier-Bresson ou de Margaret Bourke-White, sans artifice apparent.

Peut-être que ces photos ne valaient rien du tout, qu’elles sont “parlantes” parce que les modèles étaient célèbres et qu’on projetait sur eux des idées qu’on n’aurait pas prêtées au cousin machin ou à une vedette locale, pourtant pris avec le même regard, la même lumière, le même objectif. Et qui avaient peut-être autant de richesse intérieure que Joyce ou Gandhi.

C’est sans doute la force de ces focales moyennes: avec leur mine de rien, leur couleur muraille, si on les confronte à un référent culturel elles peuvent inciter ceux qui voient les images à produire les plus gros mensonges, à donner un sens, à voir ce qu’ils veulent. En somme, ce sont de faux témoins. Et d’un genre particulièrement pénible, puisqu’ils sont là pour médire, pour colporter des commérages, car ils font croire à des liaisons.

Précisément, leur domaine de prédilection c’est le portrait en pied, parfois en petit groupe, in situ, intégré au décor. Y a-t-il un lien entre Gandhi et le rouet que Bourke-White place au premier plan? Sans doute, mais l’un n’expliquait pas l’autre. Entre Matisse et ses colombes de HCB ? Possible, mais n’a-t-on pas l’impression de réduire l’artiste à cette passion? Entre Nehru et Mme Mounbatten, certes, mais entre les deux personnes de l’escalier d’Istambul?

Les focales moyennes sont les reines de la mise en relation d’éléments de même échelle, de la formule de Lautréamont (la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie). Elles utilisent une faiblesse connue de l’esprit humain: vouloir expliquer par le peu qu’on sait ou qu’on voit, plutôt que d’approfondir. À chacun de savoir s’il convient d’user de ce pouvoir.